L’écosystème européen semble désormais favoriser une projection à l’international des startups. Quel a été le déclic ?
Pierre-Emmanuel Goubeaux-Chaperon : Il y a cinq ou six ans, en France et en Europe, nous assistions à une explosion du nombre d’incubateurs, d’accélérateurs, de hackathons et de programmes d’innovation ouverts en tous genres : une multitude de démarches d’accompagnement de startups qui a brouillé les pistes. Depuis, les lignes ont bougé : cette volonté d’accompagnement et d’aide à la création s’est concrétisée et favorise de plus en plus le prototypage, la matérialisation, la mise en œuvre à l’échelle. Si autrefois, la mission première était de faire se rencontrer startups et grands groupes, aujourd’hui cette mise en relation ne suffit plus : l’entité qui souhaite se faire aider tout comme celle qui veut aider sont de plus en plus exigeantes et veulent pousser le projet plus loin. Premier constat : les acteurs de l’innovation ont donc gagné en maturité. Second constat : l’Europe est un écosystème complexe qui ne peut se comparer en aucun cas aux Etats-Unis ou à la Chine. Le marché européen est constitué de pays qui possèdent chacun leur propre culture, leur propre marché et leurs propres entreprises. C’est un marché plus fragmenté ; on ne se lance pas de la même manière en France, en Italie ou en Espagne. C’est donc formateur.
Comment aider les startups à mieux travailler avec les grands groupes ?
Piem GC : Nous ne collaborons qu’avec des startups B2B. Et nous apprenons des deux côtés. Tout comme un grand groupe, une startup a ses forces et ses faiblesses, elle partage la même envie d’innovation à grande échelle. Dans Scale Zone, nous sommes tous sur la même ligne de départ : la plupart de nos startupeurs ont la quarantaine et ont déjà travaillé dans de grands groupes. Nous nous connaissons bien, nous avons conscience des difficultés, des frustrations que peuvent générer des process complexes. A Scale Zone, l’idée n’est pas de gommer ces difficultés mais de mettre en valeur tout le potentiel de chacune des parties en présence : nous concentrer sur tout ce qui va bien, plutôt que se lamenter sur tout ce qui va mal. Il faut en finir avec le cliché « startup = échec ». C’est pour cela, que dans cet espace, en plus des offres concrètes d’accompagnement sur la création de valeur utilisateur, la consolidation technique et la mise en œuvre de solutions business, nous mettons fortement l’accent sur la création d’un état d’esprit positif et bienveillant. Il est important de se dire que l’on est plus fort que ce que l’on croit : prenons conscience déjà de tout ce qui a été fait, avant de voir tout ce qu’il reste à faire. C’est tout la logique de l’open innovation : ensemble, on arrive à faire émerger plus de forces que de faiblesses.
En quoi le modèle de la « Scale Zone » est-il plus viable que les autres incubateurs, pépinières, et autres accélérateurs, pour permettre à une startup d’industrialiser sa solution ?
Piem GC : Je ne pense pas qu’il y ait de structure d’accompagnement de startup plus viable qu’une autre : chaque programme permet à une startup de maturer en fonction de son état d’avancement. Avec Scale Zone, nous intervenons dans la chaîne de valeur de maturité de la startup au moment où celle-ci passe un cap comme, par exemple, une demande d’équipement de 200 000 collaborateurs sur tout le territoire français et européen. Nous allons alors l’aider à déployer sa solution à grande échelle tout en l’assistant sur la sécurisation de ses données et en l’aidant à répondre à des questions essentielles comme : « Combien de personnes recruter ? Quelles solutions auxiliaires déployer ? Le plan projet est-il pérenne ? ». Nous pouvons l’illustrer grâce à l’initiative « Innovation Playground » que nous lançons avec The Evian Championship et la Société Générale pendant le tournoi de golf féminin mondial qui se déroule du 13 au 16 septembre. Nous allons y présenter huit startups et déployer leur cas d’usage pour apporter une plus-value à l’expérience du tournoi. L’objectif est simple : démontrer et faire la preuve que les startups sont capables de travailler avec des grands groupes et de s’industrialiser. C’est le cas notamment de la solution iFarming qui permet aux exploitants agricoles de gérer leur irrigation en quasi temps réel. Et pourquoi pas sur un green en développant par exemple un golf eco-Friendly qui consomme moins d’eau grâce à des capteurs installés sur le parcours pour la prédiction des doses optimales d’irrigation ? L’enjeu de ces démonstrations est d’inspirer les dirigeants d’entreprises en visite sur cet événement afin qu’ils se projettent dans cette dynamique d’innovation à grande échelle.
Source, Le Monde, Les clés de demain, 2019 :
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« Le mode de pensée des startups et des grands groupes a vocation à converger »